Allaitement et VIH : la position des assos
Une prise de position sur le sujet de l’allaitement lorsqu’on vit avec VIH, texte important qui entend faire connaître la position de plusieurs associations de lutte contre le sida (AIDES, le Comité des Familles, TRT-5 CHV, Sidaction, Planning familial, Sol en Si, Dessine moi un mouton, RSMS : Réseau Santé Marseille Sud, Actions Traitements) et interpeller les experts-es français-es de la prise en charge du VIH qui mettent actuellement à jour les nouvelles recommandations d’experts-es (Rapport Delobel).
Jean-Francois Laforgerie
Les recos américaines montrent l’exemple
Chaque année en France, environ 1 500 femmes vivant avec le VIH donnent naissance à un nouveau-né. Les progrès thérapeutiques et stratégiques de ces dernières décennies ont permis de réduire drastiquement les risques de transmission du virus vers l’enfant : dépistage et traitement universel, trithérapie antirétrovirale pour les personnes enceintes et allaitantes vivant avec le VIH, traitement prophylactique pour les nouveau-nés exposés au virus. Des recommandations qui mettent en avant la décision partagée entre les professionnels-les de santé et les personnes allaitantes vivant avec le VIH. Dans de nombreux pays, les recommandations d’experts-es, régulièrement actualisées pour tenir compte des avancées de la science, ont une influence considérable dans l’organisation de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH (PVVIH). En France, le rapport d’experts-es qui prévoit ces recommandations est en cours d’actualisation et un chapitre est consacré au suivi du projet de grossesse des PVVIH et à la prise en charge après la naissance.
La Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) qui s’est tenue du 19 au 22 février 2023 à Seattle a été l’occasion de présenter les nouvelles recommandations américaines relatives à l’utilisation des traitements antirétroviraux pendant la grossesse et les interventions visant à réduire la transmission périnatale du VIH. Les recommandations états-uniennes rappellent que le maintien d’une charge virale indétectable pendant la grossesse et après l’accouchement « réduisent le risque de transmission au sein à moins de 1 %, mais pas à zéro ». L’alimentation de remplacement avec du lait maternisé ou du lait de donneuses-eurs est recommandée pour les personnes qui ne sont pas sous traitement ou qui n’ont pas de charge virale indétectable.
Pour autant, les recommandations américaines prévoient que : « Les personnes séropositives qui suivent un traitement antirétroviral avec une charge virale indétectable maintenue et qui choisissent d’allaiter doivent être soutenues dans cette décision ». Ces directives élèvent le choix éclairé des personnes concernées en tant que droit ; il est ainsi affirmé que « les personnes vivant avec le VIH doivent recevoir des conseils fondés sur des données probantes et centrés sur la personne afin de soutenir la prise de décision partagée concernant l’alimentation du nourrisson ». Les conseils doivent commencer aussi précocement que cela est possible (si possible avant la conception) et se poursuivre pendant la grossesse et après l’accouchement. Si l’échange prévu doit inclure des informations sur les risques de transmission du virus et sur l’importance d’une suppression virale durable pour allaiter, les experts-es américains-nes rappellent que cet échange doit prendre la forme d’une discussion sans jugement. Les facteurs tels que l’accessibilité des ressources et les antécédents en matière d’observance thérapeutique doivent être pris en compte. Au cours de la période post-natale, le parent vivant avec le VIH décidant d’allaiter a accès aux services d’un-e conseiller-ère en lactation et doit pouvoir bénéficier d’un soutien par une équipe clinique ainsi que par des pairs. Nous nous réjouissons de voir que les principes de consentement libre et éclairé et de respect du choix des personnes vivant avec le VIH sont prévus et mis à l’honneur dans ces recommandations.
En défendant la notion de « décision partagée », les experts-es américains-nes respectent le principe d’auto-détermination des personnes fondamental de la lutte contre le VIH. Il s’agit de ne pas prendre de décision pour les personnes, mais avec elles et ainsi de les replacer au cœur de leur projet d’enfantement. La participation des personnes aux décisions qui les concernent permet d’améliorer l’observance aux traitements et d’individualiser les décisions thérapeutiques. De manière générale, la reconnaissance de l’expression légitime des individus et l’instauration d’un espace de transmission de savoirs favorisent le développement de la littératie en santé des personnes et réduisent les risques de perdus de vue. Favoriser un choix éclairé et respecter la volonté des personnes avec le VIH permet de les faire adhérer à un suivi quand, à l’inverse, la contrainte risque leur éloignement de celui-ci.
Une réaffirmation des principes de Denver
L’accompagnement inconditionnel de toutes les personnes allaitantes vivant avec le VIH, qu’elles fassent le choix d’allaiter ou non leur enfant, constitue également un facteur de réduction des risques de transmission du virus. Il s’agit de prendre en compte le contexte de vie réelle : le souhait d’allaiter existe et se concrétise quoiqu’il en soit. L’accompagnement favorise le respect des conditions optimales et réduit le risque de dépistage/mise sous traitement tardif du bébé. Aussi, les temps d’accompagnement permettent le maintien des personnes présentant des facteurs de vulnérabilité dans un parcours de soin et, en cela, diminue le risque de « perdu de vue ».
Cet article est tiré de Séronet.